mardi 15 novembre 2011

Un certain mois d'avril à Adana - Daniel Arsand



C'est un roman qui s'appuie sur des faits historiques sans être un roman historique.
Nous sommes en avril 1909 dans la ville d'Adana en Cilicie au sud de la Turquie quelques jours avant le massacre des Arméniens par les Turcs.

Au début du roman, par une multitude de petits chapitres nous découvrons le petit peuple arménien de cette prospère plaine du Sud-Est : Atom Papazian, le joaillier, et toute sa famille ainsi que son neveu, Vahan, en fuite de Constantinople pour avoir trahi ses amis révolutionnaires ; le poète Diran Mélikian, qui préfère chanter le bleu du ciel et la beauté des fleurs plutôt que le bruissement des fureurs à venir ; Hovhannès, fils unique de Garinée et apprenti menuisier. La vie s'écoule au début sans heurs et nous voyons tous ces personnages évoluer dans la ville ; les vies s'entrecroisent. Et nous saisissons par leurs perceptions, leurs analyses de la situation ce qui se prépare et avec eux nous entrevoyons les rivalités politiques et de pouvoir, le climat de haine entre chrétiens et musulmans qui commence à poindre. Nous sentons petit à petit l'atmosphère se charger de conflits à venir. Parfois les rivalités entre Arméniens et Turcs naissent de rumeurs, parfois de faits réels comme le viol de l'apprenti menuisier par une bande de brutes, et qui réclame justice sous les ricanements, parfois de deux jeunes qui s'aiment, mais le jeune homme est Turc et la jeune fille Arménienne, une honte pour les deux familles. Ces deux jeunes amoureux connaissent alors la bastonnade et la réclusion pour avoir frayé hors de leur communauté. Bref, la tension monte et Daniel Arsand sait faire durer le suspense, si j'ose dire, jusqu'à l'inéluctable. L'on se prend à espérer avec les protagonistes, dans une forme d'empathie, qu'ils vont s'en sortir, qu'ils arriveront à fuir, à survivre au massacre…
Certains y arriveront et c'est sur ces mémoires que l'auteur s'appuie pour nous raconter d'indicible.

C'est un roman très fort qui ne peut laisser le lecteur indifférent. Quelques scènes sont difficilement soutenables mais l'écriture de Daniel Arsand sait rester digne dans l’outrance comme dans la sobriété. L'auteur grâce à son écriture poétique, lyrique même, au rythme oriental, nous ensorcelle, nous rends fiévreux, et nous ne pouvons lâcher ce livre une fois commencé.

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