Ce roman est profondément ancré dans l'espace et dans le temps.
Une ferme totalement isolée dans la campagne du Cantal. 3 chapitres. 3 personnages. 3 espaces temporels très précis: samedi 10 et dimanche 11 juin 1967; dimanche 19 mars 1974; jeudi 28 octobre 2021.
Le premier chapitre est consacré à la mère, une femme usée (à 30 ans!) saccagée, le ventre scarifié par les cicatrices de trois césariennes rapprochées, marquée par les coups de son mari et tellement déconstruite que l'auteur ne lui donne pas de prénom. Cabossée par l'existence, elle se laisse aller et cache son malheur par orgueil, par refus d'avouer son échec et par incapacité à s'exprimer. Jusqu'au jour où elle décide de ne pas retourner à la ferme auprès de son mari qui lui répète qu'elle est grosse, paresseuse et qu'elle "pue" à tel point qu'elle finit par se comparer à "une vache". Elle a peur de lui et veut protéger ses trois enfants de la rage de cet homme. Elle restera chez ses parents.
Le deuxième chapitre nous fait pénétrer dans la rumination du père une nuit d'insomnie. Sept ans plus tard. Il a divorcé, s'occupe de la ferme et essaye d'expliquer (de justifier?) son comportement envers une femme qu'il n'aime plus et qu'il méprise. Même si le lecteur ne l'excuse pas, il comprend mieux le personnage qui se complexifie et l'auteur évite ainsi un manichéisme simpliste opposant la victime et le bourreau.
Le dernier chapitre, très court, se situe après la mort du père. Claire la deuxième fille, revient à la ferme pour signer l'acte de vente. Elle quitte définitivement le lieu de son enfance, sans nostalgie, en emportant ses souvenirs.
Cela pourrait paraître une histoire banale dans un milieu campagnard ordinaire.
Mais c'est un roman remarquable dont la force tient dans la brièveté, la sobriété et dans une écriture lapidaire et ciselée qui dit l'essentiel en quelques mots choisis et placés avec le plus grand soin.
On a tendance à le dévorer mais il faut prendre le temps d'en savourer la beauté.
Hiver 1943. Vadim, un Parisien âgé de 12 ans, est envoyé par ses parents à Vallorcine dans une famille d'accueil pour soigner ses crises d'asthme. Par prudence, pour cacher ses origines juives, il s'appellera désormais Vincent.
Lorsqu'il arrive en plein hiver, il est sidéré par le spectacle de la montagne et par les étendues éblouissantes de la neige; c'est un univers nouveau qui s'ouvre à lui. Sensible, observateur, poète, tous les sens en éveil, il est hypnotisé par tant de beauté dont les livres et l'école ne lui avaient pas révélé l'existence. Et c'est une suite émerveillée de premières fois au rythme des saisons: déneiger un col, faire du ski, mener les bêtes aux alpages, voir naître un veau, apprendre les noms de fleurs et d'animaux inconnus.
Vincent découvre un monde auquel il adhère de tout son être. Dans cette quête, il est guidé par une fillette du pays, Moinette, qui lui sert de passeuse et d'initiatrice avec affection et une douce ironie devant ce garçon venu d'un autre monde que le sien.
Mais les nuages s'amoncellent et le danger menace pour l'enfant juif. Vallorcine aura été une parenthèse enchantée. il faudra à nouveau fuir et chercher refuge ailleurs.
L'auteure traduit à merveille le regard ébloui et l'épanouissement de cet enfant émotif qui dessine ce qu'il ressent et donne des couleurs aux mots.
Un très beau récit d'apprentissage débordant de poésie, de tendresse et d'émotion dans un décor sublime.
L’histoire : Sabyl Ghoussoub tente de raconter la
vie de ses parents qui ont quitté le Liban après leur mariage en 1975 pour se
rendre à Paris. Il entreprend aussi de comprendre l’histoire du Liban. Les
personnages sont les frères et sœurs de ses parents et sa propre sœur Yala.
Lors de la conception de ce livre, l’auteur se heurte
à de nombreuses difficultés qu’il nous explique volontiers. Tout d’abord, dans
sa famille, les silences et les contradictions ne manquent pas pour décrire les
évènements. Puis, le Liban lui apparaît dans sa complexité politique et
religieuse : qui tire sur qui ? qui s’allie avec qui ? contre
qui ? Il informe le lecteur à partir de témoignages familiaux, de recherches
documentaires et de visionnage d’archives. Il a aussi vécu au Liban.
De nombreuses anecdotes enrichissent ce livre en
particulier « l’analyse chimique de la femme » réalisée par son père
qui est hilarante ! L’auteur liste aussi les assassinats et attentats politiques…
Le récit est décousu et ne respecte pas l’ordre chronologique. En fait, Sabyl
Ghoussob nous transmet avec émotion et parfois quelques longueurs l’amour qu’il
porte à sa famille déracinée tout en évoquant les difficultés de l’immigration
et de l’intégration.
Le livre: Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas
« La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement
qu’en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l’impression
d’un monde en train de s’écrouler. Et pourtant, autour de nous, les
choses semblaient toujours à leur place. J’ai décidé de partir dans une
ville française où je n’ai aucune attache, pour chercher anonymement du
travail… J’ai loué une chambre meublée.
Je ne suis revenue chez
moi que deux fois, en coup de vent : j’avais trop à faire là-bas. J’ai
conservé mon identité, mon nom, mes papiers, et je me suis inscrite au
chômage avec un baccalauréat pour seul bagage. Je suis devenue blonde.
Je n’ai plus quitté mes lunettes. Je n’ai touché aucune allocation. Il
était convenu que je m’arrêterais le jour où ma recherche aboutirait,
c’est-à-dire celui où je décrocherais un CDI. Ce livre raconte ma quête,
qui a duré presque six mois, de février à juillet 2009.
J’ai gardé ma chambre meublée. J’y suis retournée cet hiver écrire ce livre. »