Derrière ce titre à rallonge qui ne manque pas de souligner l'importance des
mères en toutes circonstances, se cache LE bijou de la rentrée.
Donc, que cache ce titre à rallonge ?
Tout simplement une héroïne de
72 ans : Catherine Hubeau, qui a renoncé
à vivre pour elle depuis de nombreuses années; elle se consacre en effet à son
fils, Michel, un adulte handicapé mental.
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Mme Hubeau est une vieille dame. Son mari n'est plus, sa fille est grande et
vit sa vie. Alors qu'elle devrait profiter de son grand âge, elle continue à
s'occuper de son "grand enfant". Comme elle le dit avec un mélange de
tristesse et d'amour qui prend aux tripes, elle, elle vit la vie de Michelou.
Pas la sienne. Son petit Michelou qui, à 43 ans, a toujours besoin de sa maman.
A cause de ce stupide accident qui l'a laissé handicapé alors qu'il avait une
vingtaine d'années. Pénétrant tout doucement dans leur univers, le lecteur
découvre un quotidien à la fois simple et difficile. La vie de Michelou est
rythmée par des habitudes immuables : son dessin animé préféré qu'il réclame
toujours des heures à l'avance, son t-shirt fétiche qui doit être prêt tous les
matins, les parties de 'Puissance 4' avec les habitués du parc. Un seul accroc à
ces rituels peut déclencher une crise. Pourtant sa mère est toujours là. Elle
accepte tout ou presque. Elle lui sacrifie tout. Elle lui fait sa lessive,
répète inlassablement les mêmes réponses aux mêmes questions, lui rachète
inlassablement les jeux qu'il casse, lui loue inlassablement les mêmes films
érotiques, lui donne tout son temps, sa patience, sa vie. C'est difficile et
des moments de lassitude surviennent inévitablement : des petits moments de
colère injustifiée, des efforts qui ne sont pas récompensés, des pincements au
cœur quand le passé ressurgit sous la forme de l'ancienne petite amie de
Michelou.
Combien d'énergie, d'abnégation, cette frêle vieille dame arrive encore à
puiser dans l'amour maternel pour prendre soin, quotidiennement, d'un gros
gaillard qui la dépasse de deux têtes, demandant toute son attention comme un
enfant de cinq ans, mais ayant également des besoins d'homme adulte!...
Le sujet délicat du handicap est ici abordé d'une façon fort différente, en
présentant la vie telle qu'elle est sans insister sur les difficultés mais sans
les cacher non plus. C'est une vie à la fois légère car Michelou se contente de
peu et, à la fois, extrêmement lourde de par les responsabilités qu'elle
implique, les obligations qu'on n'a pas forcément choisies, la liberté de vivre
que l'on ne possède plus. Une vie pourtant riche de centaines de petits
bonheurs qui obligent à ne pas baisser les bras et à continuer malgré tout. Une
vie qui vaut qu'on la vive.
Le dessin de Roger est en adéquation totale avec le propos, doux, nuancé.
Mme Hubeau est toute en fragilité tandis que son fils affiche une corpulence
qui en impose. De belles ambiances, des visages que l’on n'oublie pas, une
émotion qui transpire, c’est du zéro défaut…
Sous forme de petites saynètes, on découvre l'isolement que crée cette vie,
l'éloignement progressif de la famille qui ne rend visite que par politesse,
les difficultés vis-à-vis des personnes extérieures, la culpabilité, la
difficulté de vivre sa propre vie. C'est dur, c'est doux, c'est tendre, c'est
parfois violent, c'est parfois drôle, c'est tellement prenant.
Dis comme ça, ça ne paraît pas bien gai. Et pourtant… Il y a l’amour,
immense. Les moments de complicité d’une infinie tendresse. Les moments de
joie, fugaces mais bien réels. Les petits rituels qui rassurent et permettent
d’avancer un peu plus chaque jour… Cet album, c’est ça :
un concentré de tendresse et d’amour.
J'ai trouvé cette bande dessinée
extrêmement touchante, tout en étant très réaliste.