Tout est dit - ou presque - par la citation placée en exergue: "Tel un fils sans père, un père sans fils n'a personne pour le serrer dans ses bras" (Ferdowsî).
Cem, dont le père a quitté le foyer conjugal, décide de travailler comme apprenti avec le maître puisatier Mahmut afin d'aider financièrement sa mère. Une relation forte se tisse entre Cem et son maître en qui il trouve un père de substitution. Lors d'une sortie, Cem rencontre une femme aux cheveux roux dont l'image l'obsède. Elle a l'âge d'être sa mère et joue dans un théâtre ambulant. Il découvre l'amour auprès d'elle mais ce sera sans suite (du moins dans l'immédiat). Un accident dont il est responsable l'oblige à quitter brusquement le chantier.
30 ans plus tard, devenu chef d'une entreprise immobilière, marié et sans enfant, il demeure hanté par la culpabilité liée à l'accident. Il renouera par hasard avec un destin qui le poursuit malgré son désir d'y échapper.
Il ne faut pas se laisser rebuter par le début du roman. La narration du travail de puisatier peut paraître trop détaillée et monotone (comme celle de la vie d'un vendeur de boza dans le présent roman de l'auteur). Mais, lorsque les fils de l'intrigue se nouent, les hasards et les coïncidences rendent le roman passionnant.
Sa vraie richesse ne réside pas tant dans l'intrigue elle-même que dans les thèmes du destin, de la fatalité et de la culpabilité qui poursuivent le héros et dans les imbrications entre la réalité vécue et les grands mythes universels. Entre Orient et Occident (comme Istanbul) entre le mythe d'OEdipe dans la tragédie de Sophocle et la légende de Rostam et Sohrab dans le Livre des Rois de Ferowsî, la malédiction est omniprésente et Cem n'y échappera pas.
Un roman riche, captivant, profond.
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