L'Usine a les dimensions d'une cité labyrinthique, tentaculaire avec ses bâtiments, ses restaurants, ses espaces verts, ses maisons d'habitations, un fleuve la traverse, un pont conduit d'une rive à l'autre. A-t-elle même des limites?
Et que fabrique-t-elle? Mystère.
Trois de ses employés témoignent de leur mission à l'Usine. L'un doit végétaliser les toits et étudier les mousses, un autre corrige inlassablement des textes incompréhensibles avant de les remettre en piles et de les corriger à nouveau, la troisième glisse sans trêve des documents dans une déchiqueteuse. Leurs récits sont à la première personne et leurs voix semblent parfois se confondre: à accomplir des tâches répétitives, absurdes, aliénantes et dont on ignore la finalité, on finit par perdre toute identité.
Après des descriptions précises et réalistes de cet univers, le roman glisse dans le fantastique et l'onirisme. D'étranges animaux, spécifiques à l'Usine, envahissent les lieux, particulièrement de grands cormorans, entièrement noirs. Après la perte d'identité, c'est la perte d'humanité qui menace dans cet univers étrange.
L'Usine dans son gigantisme, dans l'absurdité de son organisation et dans la vanité de ses tâches, fait songer au Château de Kafka.
Et comment ne pas penser à la Métamorphose du même auteur, quand l'un des employés découvre que ses mains et son corps "sont entièrement couverts de plumes" tandis qu'une autre constate "je suis devenue un oiseau noir".
J'ai beaucoup apprécié ce livre qui dénonce l'aliénation dans un monde déshumanisé avec efficacité et originalité.
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