C'est sans doute le dernier volet de l'odyssée familiale de l'auteur.
Le frère d'Edouard Louis est mort à 38 ans rongé par l'alcool.
Dès l'incipit, le ton est donné: "Je n'ai rien ressenti à l'annonce de la mort de mon frère, ni tristesse, ni désespoir, ni joie, ni plaisir." Pourtant l'auteur veut essayer de découvrir les raisons qui ont poussé son frère à cette forme de suicide lent qu'a été pour lui une addiction insurmontable à l'alcool. Il va revivre des souvenirs, retrouver le dégoût (physique et moral), l'incompréhension, la distance infranchissable entre son frère et lui.
Pourquoi l'alcool? Pourquoi la violence? Pourquoi l'incapacité de réaliser ses rêves de grandeur? Il va recueillir des témoignages de femmes fréquentées par son frère et qui lui peignent un être complexe, difficile à cerner, capable de bonté en dehors de ses crises de violence.
Edouard Louis ne se limite pas, comme souvent, à une analyse accusant le déterminisme social (parents pauvres, milieu défavorisé), il évoque aussi une blessure psychologique dont il cherche vainement l'origine: "Je ne sais pas" revient comme un leitmotiv.
J'ai trouvé ce livre bouleversant. La distance infranchissable entre les deux frères est douloureuse et certaines scènes sont déchirantes.
Ce livre pourra choquer certains lecteurs. L'auteur ose dire tout haut - et même écrire - des vérités que beaucoup préfèreraient cacher: la haine pour son frère, son indifférence à l'égard de toutes cérémonies autour de la mort, son refus d'assister à l'enterrement. Une telle franchise demande du courage. Il n'est pas évident de ne pas penser en respectant les traditions bien installées. Mais surtout il s'interroge sur une éventuelle responsabilité. Qu'aurait-il pu faire? Aurait-il été possible d'éviter ce destin de condamné?
Quelles que soient les réactions qu'il provoque, ce roman ne peut laisser insensible.
PRIX LES INROCKUPTIBLES 2024
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